Marc 10. 46 à 52 / Rom. 8. 1 à 11

« Seigneur, que je retrouve la vue… »

Au mois d’octobre, les protestants fêtent le dimanche de la réformation. Une fête qui fait référence au début de la réforme protestante, lorsque le moine Luther affichait ses 95 thèses sur la porte de son église à Wittenberg, en octobre 1517. Le mois d’octobre est aussi le mois où l’église Arménienne célèbre la fête des saints traducteurs, faisant référence à la création de l’alphabet Arménien par le moine Mesrop Maschtots qui permettra la traduction de la Bible en langue Arménienne vers l’an 406. L’histoire de l’Eglise est marquée d’événements fondateurs, de « réveils spirituels », de « réformes », de « renouveau spirituel de la foi chrétienne ». C’est dire que la vie chrétienne n’est pas figée, bien que ses valeurs fondamentales demeurent les mêmes depuis ses origines. Pourquoi ces mouvements ? Avons-nous besoin d’en vivre de nouveaux aujourd’hui ? Ou devons-nous simplement nous contenter d’évoquer ceux du passé avec reconnaissance ? Pourquoi et comment vivre de nouveaux réveils spirituels aujourd’hui ? C’est sur ce thème que je vous invite à méditer ce matin, à travers les textes bibliques que nous venons de lire.

1°) « Assis au bord du chemin en train de mendier… »

C’était la condition d’un certain Bartimée, du temps de Jésus, dans la ville de Jéricho ; une ville emblématique. On pense bien entendu aux fortifications de cette ville qui s’écroulèrent aux sons des trompettes du temps de Josué. Mais les temps ont passé, Jéricho est devenue une bourgade parmi tant d’autres. Bartimée habite là, on ne sait pas grand-chose de lui si ce n’est qu’il est aveugle et mendiant. Ce que l’on sait aussi, c’est qu’il n’a pas toujours été ainsi. Quelque chose s’est passé dans sa vie qui lui a fait perdre la vue. Et le texte de l’évangile ne nous dit pas quoi. Probablement que cela importe peu. Ce qui importe, c’est son désir de retrouver la vue. Et pour cela, il crie et invoque le secours de Dieu, à travers Jésus qu’il reconnait comme le Messie.

L’histoire de Bartimée a inspiré plusieurs compositeurs comme celui du groupe musical « Pâturages » dans les années 70 : « Assis, au bord du chemin, épuisé la tête entre les mains, les gens passent et toi tu ne sers à rien… ». L’auteur compare ceux qui vivent encore sans Dieu, à cet aveugle, assis au bord du chemin, en train de mendier, en quête du bonheur, en quête de sens à sa vie. Cet aveugle, c’est peut-être toi, c’est peut-être moi. Toi qui n’as peut-être jamais fait de rencontre avec le Christ, ou moi qui passe par des temps de questionnements, ou plus simplement, moi qui vis une vie chrétienne par habitude. Ou nous qui passons parfois par des temps de sècheresse spirituelle, où nous ne voyons pas très bien où nous allons ; des temps où nous ne voyons pas comment trouver une issue à tel ou tel problème qui nous perturbe. De bien des façons, nous pouvons ressembler à cet homme assis au bord du chemin, et peut être même parfois sans en avoir conscience…

2°) « Fils de David, Jésus, aie pitié de moi ! »

Le réveil commence là, une réforme commence là. Lorsque l’on a conscience de son état, de son aveuglement spirituel, de sa pauvreté spirituelle. Et lorsque, comme Bartimée, nous croyons que Jésus est le Messie, l’envoyé de Dieu. Lorsque nous faisons appel à lui, lorsque nous crions vers lui : Aie pitié de moi ! Car à partir de là, la réponse ne se fait pas attendre. Pour Bartimée, Jésus s’arrête ! Pour toi comme pour moi, Jésus s’arrête. Il est prêt à prendre du temps pour répondre à nos cris.

Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Quelle question ! A un aveugle mendiant ! En fin psychologue, Jésus sait combien il est important pour l’homme, de verbaliser ce qui le perturbe. C’est une des clés de la guérison. Et Bartimée n’hésite pas : « Seigneur, que je retrouve la vue… ». « Que je retrouve ce que j’ai perdu, ce que je n’ai plus. » Et tout à coup, ses yeux s’ouvrent. Il voit à nouveau, comme avant.

Dans la chanson des « Pâturages », l’auteur s’adresse aux auditeurs, à ces gens assis au bord du chemin. Et il y a tout à coup comme un basculement. Il leur dit : « C’est vrai, tu sais, il est venu, celui qu’on appelle Jésus… son amour est plus fort que la tristesse et la douleur, la solitude et la peur… plus fort que la mort… ». L’auteur invite alors ses auditeurs à croire en Jésus, venu dans ce monde nous guérir de nos misères et de notre aveuglement spirituel. Il nous invite à réaliser l’existence d’un Dieu d’amour, qui a donné sa vie pour nous. Cette expérience de la foi est comme un renouveau, une réforme, une nouvelle naissance, un réveil spirituel initial, la conversion. « Il n’y a donc maintenant, plus aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus Christ ».

Mais tout au long de notre vie chrétienne, il arrive parfois que l’on perde pied, que l’on perde notre joie, notre confiance, notre espérance. Il arrive aussi que l’on perde ce que le Seigneur appelle « le premier amour » dans le livre de l’Apocalypse de Jean. Il arrive aussi parfois que l’on perde une vision claire de l’amour de Dieu, la certitude de sa bonté et de sa fidélité, de sa grâce, de sa grandeur, de sa présence par l’Esprit… Il arrive que nous ayons besoin de vivre un renouveau, un réveil. A travers Bartimée le Seigneur questionne notre vie, notre état spirituel aujourd’hui. Il est possible aussi qu’autour de toi la foule te dise de taire cette souffrance et ta prière. Ou que ton propre raisonnement te dise de taire ce désir de renouveau, de retrouver des valeurs perdues, des convictions perdus, des assurances perdus…

Au 5ème siècle, la traduction de la Bible en Arménien a permis à tout un peuple de découvrir l’immensité de l’amour et de la grâce de Dieu en Jésus Christ. Ce fut pour le peuple Arménien un véritable réveil spirituel, une guérison spirituelle.

Au 16ème siècle, c’est toute l’Europe qui fut touchée par la découverte ou la redécouverte de l’essentiel de la foi chrétienne. Au pape d’alors qui réclamait aux fidèles de donner de leurs biens pour acquérir une bonne place au paradis (les indulgences), le moine Luther rétorquait, Bible en main, que le sacrifice du Christ était tout suffisant pour être sauvé ; qu’il suffisait de confesser ses fautes et de croire que le pardon était donné par grâce en Jésus.

3°) « Va, ta foi t’a sauvé… »

Les commentateurs sont quelques peu dérouté par la réponse de Jésus. C’est au point que certaines traductions ont préférés lui faire dire : « Va, ta foi t’a guéri ». Mais ce n’est pas ce que Jésus dit dans le texte original. Pourquoi parler de salut ici, au lieu de guérison ? Probablement parce qu’il y a plus important que la guérison physique. Plus important que tout ce que Dieu pourrait nous donner ou faire pour nous en ce monde.  Dieu donne au-delà de tous ce que nous pouvons penser ou imaginer. Oui, Bartimée est guéri mais il et sauvé aussi ! Il ne reprend pas le cours de sa vie antérieure. Il est changé, transformé. Quelque chose de nouveau commence pour lui. Il suit Jésus. Et l’évangile nous dit ce que veut dire « suivre Jésus ».

Conclusion :

« Seigneur, que je retrouve la vue… »

Qu’avons-nous besoin de retrouver ce matin ? N’hésitons pas à le verbaliser dans nos prières, dans nos cœurs, à haute voix dans le silence de notre intimité. Ne restons pas assis au bord du chemin de notre misère spirituelle. Crions vers Celui qui donne le renouveau, le réveil, une nouvelle vision de son amour, de sa grâce, de sa bonté, de sa fidélité… Et suivons-le fidèlement.

Pasteur Joël Mikaélian

24/11/2021