Lectures : Es 45. 1, 4 à 6 / Matth. 22. 15 à 21 / 1 Pier. 2. 13 à 17

« Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu »

La formule a le mérite d’être claire. Elle a pourtant donné lieu à diverses interprétations au cours des siècles. Au siècle dernier, elle a été en France, à la base de la laïcité, de la loi de la séparation entre l’église et l’état. Dieu ou César ? Les lois divines sont-elles au-dessus des lois de la république ? Question sensible, qui s’invite à nouveau dans l’actualité. La nouvelle loi sur les séparatismes parviendra-t-elle à résoudre la question ? Dieu ou César ? Faut-il choisir ? La confusion dans ce domaine peut avoir de graves conséquences. Témoin le meurtre barbare d’un enseignant hier, pas très loin de chez nous ; témoins les attentats dans un passé récent à Paris, en France ; témoins les Génocides dont le nôtre en 1915. Génocide qui risque de se reproduire aujourd’hui dans la région du Haut-Karabagh. Les paroles de Jésus semblent introduire ici une rupture, une séparation entre la sphère religieuse et la sphère publique. Mais comment conjuguer cette formule avec celle des disciples qui, contraints au silence, disaient : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Act. 5. 29) ? Comment se positionner en tant que Chrétien aujourd’hui ? Méditer à partir des textes qui peuvent nous éclairer.

1°) « C’est moi qui suit le Seigneur, il n’y en a pas d’autre… »

C’est ce que Dieu proclame avec force par la bouche du prophète Esaïe à Cyrus, empereur Perse au VIème siècle av JC. Celui-ci disait être le roi du monde (Cf cylindre de Cyrus). Face à lui, Dieu affirme sa Seigneurie, il est au-dessus et au-delà de tout. Il est le Créateur. Il règne, dans et sur tout l’univers. « C’est moi… il n’y en a pas d’autre ». Il est un Dieu d’amour, bienveillant, plein de bonté, de miséricorde qui ne veut que le bien de l’humanité. Il l’a prouvé en donnant son Fils, son unique, pour sauver le monde. Par la croix, il a ouvert la porte d’un monde nouveau et éternel. Il est Dieu au-dessus de tout.

Cela dit, au côté de cette souveraineté affirmée, Dieu a confié la gestion de ce monde aux hommes afin qu’ils en prennent soin. Qu’ils prennent soin de sa création, de la nature, de l’humanité. Il leur a donné une conscience et des lois, afin qu’ils apprennent à vivre ensemble et en paix. Il leur a donné l’intelligence afin qu’ils puissent gérer le monde de façon harmonieuse, respectueuse de tous, pour le bien commun. Il leur a donné la faculté de penser, de comprendre, de diriger. Il a donné à certains la capacité de gouverner pour le bien commun. Et c’est dans ce cadre que l’apôtre Pierre écrira aux chrétiens : « Soyez soumis à toute autorité établie parmi les hommes… C’est pour le bien… ». Tout en sachant que cette « délégation », ne remet pas en cause sa souveraineté. Par exemple, l’histoire biblique nous dit que c’est Dieu qui conduira l’empereur Cyrus à ordonner le retour du peuple d’Israël sur ses terres après 70 ans d’exil à Babylone.

N’oublions pas que Dieu peut encore intervenir aujourd’hui dans ce monde, au plus haut niveau. C’est tout le sens de notre prière pour les autorités, pour les situations de conflits, de guerre, pour les catastrophes climatiques, pour les épidémies… Prions avec foi et confiance.

2°) « Rendez à César… »

Dieu ou César ? Les lois divines ne sont-elles pas au-dessus des lois humaines ? « Est-il permis, oui ou non, de payer le tribut à César ? ». Question piège. Si Jésus dit oui, ils le traiteront de partisan à la solde de l’occupant Romain. S’il dit non, ils l’accuseront et le feront condamner par le pouvoir Romain. Mais Jésus ne se laisse pas piéger. Avec une sagesse divine, il pose ici le principe de la séparation et du respect des pouvoirs temporel et spirituel. Certes Dieu est au-dessus de tout. Certes mieux vaut obéit à Dieu qu’aux hommes, mais il faut aussi respecter César ! Lui rendre ce qui est de son ressort. C’est cette séparation, cette rupture que Jésus établit ici. Il est des choses qui ne concernent que ce monde, cette vie et nous devons faire ce qu’il faut, sauf si cela nous oblige à renier notre foi, nos valeurs… Dans ce cas il est de notre devoir de réagir, de dire notre désapprobation, mais dans le cadre des lois en vigueur. Nous devons être des citoyens de ce monde ; citoyens exemplaires, sel et lumière. Comme citoyen, nous avons le devoir de participer à la vie publique, d’apporter notre contribution aux débats de société, d’apporter notre contribution à la sauvegarde de la création. Nous avons le devoir de donner notre opinion sur toutes les questions qui concernent ce monde. Surtout lorsqu’il va mal, lorsqu’il souffre, lorsqu’il est déboussolé, dépassé comme c’est le cas actuellement. (La crise sanitaire en est la démonstration…). Comme citoyen nous avons le devoir de dénoncer le mal sous toutes ses formes, les injustices, le devoir de garder toujours un sens critique. « Rendre à César » n’est pas lui donner toujours raison. Jésus lui-même n’a pas hésité, de son temps, à dénoncer les injustices, les hypocrisies, la malveillance, la violence, l’indifférence sociale…

3°) « Et à Dieu, ce qui est à Dieu. … »

Par cette formule, le Seigneur nous demande également d’être de bons citoyens du monde d’après, même s’il n’est pas encore advenu. Comment ? En y entrant tout d’abord, par la foi en Jésus Christ ; par la conversion, la nouvelle naissance, le baptême…

Et puis, en rendant à Dieu le respect, la louange, l’adoration, un culte agréable. En lui rendant notre amour, notre consécration, notre prière, l’honneur, la place qui lui est due… Notre vie est appelée à être un culte spirituel (Rom. 12). Nous devons rendre à Dieu aussi notre respect pour son Église, son œuvre, par notre fidélité, notre soutien spirituel et financier ; par notre respect pour nos frères et sœurs dans l’église « Ne devez rien à personne, si ce n’est de vous aimer… » (Rom. 13. 8) ; et par notre amour pour notre prochain quel qu’il soit ..

Conclusion

« Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu »

Soyons de bons citoyens de ce monde. Vivons avec foi, avec confiance car notre Dieu règne au-delà de tout. Prions-le, agissons pour le bien, vivons pleinement notre vie chrétienne, notre vie d’église, c’est le temps de l’église ! Prions pour la situation du monde…

Soyons aussi de bons citoyens du monde à venir. Adorons Dieu pour son amour, sa bonté, sa fidélité ; pour le salut en Jésus Christ, la vie éternelle qui nous attend.

Citoyens du monde et citoyen des cieux ! Ne nous laissons pas piéger en faisant le choix de l’un ou de l’autre. Mais apprenons à vivre les deux en rendant à chacun ce qui lui est du.

Pasteur Joël Mikaélian –  18/10/2020

 

Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu_Eglise Issy