Ps 95. 7 et 8 / 1 Thes. 5. 23 et 24 / Jean 6. 32 à 40

« Celui qui vous a appelé est fidèle…»

P

eut-on croire encore à la bonté et la fidélité de Dieu après avoir subit un Génocide ? Comment continuer à croire en l’amour de Dieu après avoir subit un tel déchainement de violence, de barbarie, de souffrance ? Peut-on encore espérer en la vie après avoir vu tant d’atrocités ? Parents massacrés sous ses yeux, enfants enlevés, familles déportées ? Comment croire encore après ses marches forcées dans les déserts de Syrie ? Et se retrouver dans les camps de réfugiés à Alep, Beyrouth ? Comment croire encore après avoir tant prié, tant crié ? Alors que nous fêtons les 90 ans de l’Eglise Evangélique Arménienne de Paris – Issy-les-Moulineaux, il me semble important de nous poser ces questions ; nous les descendants de ces familles arméniennes, de même que tous ceux qui nous ont rejoints depuis. Où ont-ils puisé la force de croire, d’espérer, ces « migrants » qu’ont été nos grands-parents ? Arrivés en France sans rien, sans même connaître la langue ! Contraints de fuir et d’abandonner tous leurs biens en Turquie ? Comment ont-ils trouvé la force de se regrouper pour chanter et prier encore ? Pour aller louer une salle à Paris et pour célébrer leur premier culte, le dimanche 29 janvier 1928 ? Quelle foi, quel courage, quelle capacité de résilience ! Tout en les honorant, laissons-nous interpeler ce matin. 90 ans après, quel message recevoir ?

1°) « Je suis le pain de vie… » dit Jésus.

Nos grands parents avaient goûté au pays, de ce pain de vie. Ils avaient cru à ces paroles du Christ. Ils avaient fondé leur vie sur le Christ. Ils avaient cru ces paroles que : « Quiconque voit le Fils et croit en lui a la vie éternelle… » Et que le Christ les ressusciterait aux derniers jours. Ils croyaient fermement, profondément que le sacrifice de Jésus sur la croix les avait libérés de toute condamnation ; qu’ils étaient sauvés pour l’éternité. Et c’est en Lui qu’ils ont puisé cette force de croire, d’espérer encore et encore, de lutter jusqu’au bout. Alors, ils ont continué à chanter, à prier, à se rassembler dans les maisons, dans des salles, souvent trop petites, dans des temples mis à leur disposition… Comme l’a si bien écrit William Saroyan : « Je voudrais savoir quelle force au monde peut détruire cette race, cette petite tribu de gens sans importance dont l’histoire est terminée, dont les guerres ont été perdues, dont les structures se sont écroulées, dont la littérature n’est plus lue, la musique n’est pas écoutée, et dont les prières ne sont pas exaucées. Allez-y, détruisez l’Arménie ! Voyez si vous pouvez le faire. Envoyez-les dans le désert. Laissez-les sans pain ni eau. Brûlez leurs maisons et leurs églises. Voyez alors s’ils ne riront pas de nouveau, voyez s’ils ne chanteront ni ne prieront de nouveau. Car il suffirait que deux d’entre-eux se rencontrent, n’importe où dans le monde pour qu’ils créent une nouvelle Arménie ».

Certes, nos anciens n’étaient pas parfaits, ils avaient aussi leurs faiblesses. Ils ont probablement eu leurs moments de doute aussi. Ils avaient tout perdu, mais ils avaient gardé l’essentiel ; cet essentiel que nul n’a pu leur enlever, la foi en Jésus Christ, en son œuvre de salut, la foi en sa présence, la foi en l’éternité. Ils avaient une foi obéissante, qui bousculait tous les obstacles de la vie ; une foi qui passe outre toutes les circonstances adverses, une foi obéissante simplement. Une foi qui nous interpelle aujourd’hui, à nous, enfants, petits enfants, arrières petits enfants, amis, de ces familles de « réfugiés » qui ont su trouver en Dieu la force de continuer à croire et à espérer malgré le terrible Génocide auquel ils avaient échappé.

2°) « Celui qui vous a appelé est fidèle, et c’est lui qui le fera… »

Quel est l’avenir de l’église ? Que va-t-elle devenir dans les années à venir ? Quelle est son espérance de vie après 90 ans ? Certains s’interrogent, d’autres font des prévisions à court, moyen, long terme. D’autres ont plus ou moins renoncé et font le choix de la distance, d’autres priorités. Et se contentent d’un engagement de demi-mesure, d’une foi sans dimension communautaire, renonçant à ce désir de rencontre, de rendre un culte à Dieu chaque dimanche. Mais quel avenir pour l’église ? Pour ce qui a été fondé au prix de tant de sacrifices par nos anciens ? Que restera-t-il, une belle histoire, de bons souvenirs, des photos, la fierté de la foi de nos anciens ? Il y a trois façons de recevoir et de vivre un héritage spirituel. Le mépriser, le rejeter, le nier, rester indifférent ; le dilapider, en vivre comme consommateur jusqu’à épuisement ; ou le valoriser, y apporter sa pierre, sa contribution, son engagement, sa prière, ses encouragements… A chacun de se situer librement, Dieu ne force personne à lui obéir. Chacun rendra des comptes à Dieu pour lui-même

Je ne connais pas l’avenir, mais je sais une chose, c’est que Dieu, lui, est fidèle ; que rien ne peut altérer sa fidélité, pas même nos infidélités. Celui qui vous a appelé est fidèle, et c’est lui qui le fera… ». Il fera quoi ? Une œuvre spirituelle dans nos cœurs pour nous conserver irrépréhensibles lors de l’avènement de notre Seigneur. Sa volonté demeure la même aujourd’hui, les années qui passent ne le change pas. Sa volonté de nous sauver, de nous faire progresser, grandir dans la foi ; sa volonté de nous rendre toujours plus semblable à Jésus Christ demeure la même. C’est sa promesse, il le fera, dans la mesure de notre assentiment et de notre obéissance.

Je ne connais pas l’avenir de notre église, mais je sais une chose, ce que l’apôtre Paul écrivait aux chrétiens de Philippe (premiers chrétiens d’Europe), « Je suis persuadé que celui qui a commencé en vous cette œuvre la rendra parfaite pour le jour de Jésus Christ » (Phil. 1. 6).

Dieu a été fidèle envers nos anciens, notre église depuis 90 ans. On ne peut qu’en être infiniment reconnaissants. Que de chemin parcouru depuis ce 29 janvier 1928. Les générations qui nous ont précédés ont su valoriser cet héritage spirituel. C’est à eux que nous devons aussi d’être là ce matin. Certains sont parmi nous, d’autres n’ont pu malheureusement être là à cause de l’âge, de la maladie, et nous voulons avoir une pensée pour eux aussi ce matin. D’autres nous ont quittés pour le royaume de Dieu.

A nous de poursuivre cette œuvre avec l’aide et la grâce de Dieu. Comptant sur sa fidélité. Ayons foi en sa fidélité, elle ne nous fera jamais défaut.

Serons-nous des acteurs, des participants pour valoriser encore davantage notre héritage spirituel pour la gloire de Dieu et pour que beaucoup encore soient sauvés ? Ou serons-nous simplement des spectateurs ? C’est à chacun d’en décider.

« Celui qui vous a appelé est fidèle…»

A Dieu soit toute la gloire !

Pasteur Joël Mikaélian
28/01/2018