Lecture : Jér. 1. 4 à 19 / Luc 4. 21 à 30

« N’aie peur de personne : je suis avec toi… »

La Bible peut nous paraître parfois pleine de contradictions. Au côté de textes de promesses, de bénédictions, nous y trouvons des situations de souffrances, de rejets et d’épreuves pour les croyants. Il y a d’un côté les promesses, qui justifieraient une théologie de la prospérité, et d’un autre les épreuves, qui pousseraient plutôt vers une théologie du sacrifice et de la souffrance du juste. Parfois même ces contradictions se conjuguent dans nos vies. Ce qui est, avouons-le, assez troublant et déstabilisant bien que la Bible ne cache pas cette contradiction. Les évangiles nous parlent à la fois de la popularité et des succès de Jésus comme de son rejet et de sa crucifixion. Comment comprendre et vivre avec de telles contradictions ? Certes, nous aimerions tous ne connaître que réussite, succès, bénédiction ; une vie sans épreuve, sans maladie, sans souffrance, sans contrariété… Mais force est de constater que cela reste de l’ordre du rêve plus que de la réalité. Et si la vie chrétienne transcendait la dualité de cette contradiction ? Ce genre de manichéisme inconscient ? « Tu fais le bien, tu seras béni, tu fais le mal tu souffriras ». Méditons à partir des exemples de Jérémie et de Jésus.

1°) « La parole du Seigneur s’adressa à moi… »

L’appel, la vocation du prophète Jérémie et sa vie illustrent bien cette contradiction. Lorsque Dieu l’appelle à être son prophète, il lui révèle une belle promesse : « Je te connaissais avant même de t’avoir formé… je t’avais mis à part pour me servir avant même que tu sois né…  Je t’avais destiné à être mon porte-parole auprès des nations ». Quelle grâce ! Rien que ça ! J’existe par la volonté de Dieu, du Dieu de la vie ! Puis en quelques mots et deux visions, Dieu lui révèle ce que sera sa vie. Elle sera faite de riches bénédictions, un beau ministère, mais avec de grands combats et des souffrances. Dieu lui annonce par ces visions qu’un jour Jérusalem sera détruite, et qu’il devra faire face à l’opposition de son peuple. Face à cette triste réalité qui se profile, le prophète n’a qu’une parole : « N’aie peur de personne : je suis avec toi… ». Ce que Dieu dit s’accomplira réellement. Jérémie sera un prophète fidèle du Seigneur. Il aura une vie que nul d’entre-nous n’aimerions avoir, comme lui aussi d’ailleurs. Il vivra sans cesse en décalage avec la pensée majoritaire, sera accusé de trahison, emprisonné parfois, et finira probablement sa vie en Egypte, contre son gré. Que de fois, Jérémie a dû dire : « Pourquoi moi ? Pourquoi Dieu m’a choisi ? ». Que de fois il a dû regretter peut-être d’avoir été choisi par Dieu ! Il le dit dans le livre des lamentations : « Je suis l’homme qui a vu l’humiliation sous le bâton de sa fureur ! » (Lam. 3. 1)

N’est pas prophète qui veut. Les prophètes de l’AT comme du NT ont tous vécu des temps difficiles à l’inverse des faux prophètes, qui passaient leur temps à dire ce que leurs interlocuteurs voulaient entendre. (Un peu comme le devin du livre d’Astérix, ou comme certains charlatans aujourd’hui qui promettent monts et merveilles contre monnaie sonnante et trébuchante).

En Jésus, tous ceux qui croient, ont aussi été sanctifiés, purifiés, sauvés pour être témoins, prophètes dans le monde, porte-parole de Dieu. A être sel et lumière, à être différents du monde non croyant. A penser et agir autrement. Non par esprit de contradiction, ou par un anticonformisme réactionnaire, mais par obéissance à la Parole. Un anticonformisme d’amour, d’humilité, de sainteté, de ressemblance au Christ. Même si cela coûte parfois. Face à cette immense tâche, nous aussi, comme Jérémie, nous n’avons qu’une parole : « Je serai avec vous tous les jours… »

2°) « En toute vérité, je vous le déclare… »

Portons nos regards vers Jésus quelques instants. Face à ses détracteurs, il ne va pas mâcher ses mots. Jésus n’est pas populiste pour un sou ! Au contraire, face à eux, à leurs critiques, il enfonce le clou. Il évoque le temps du prophète Elie, puis celui de son successeur Elisée. Il évoque la bonté de Dieu pour des païens. Un scandale pour les juifs de l’époque. Jésus leur rappelle que Dieu est Dieu. Il est libre. Il est un Dieu qui dérange, qui surprend, qui agit là où on ne l’attend pas. Un Dieu qui ne se laisse enfermer dans aucune tradition humaine, aucune logique humaine. Il reste au-dessus de tout cela. Il va prendre soin d’une veuve païenne. Il va guérir un officier militaire syrien ! De quoi provoquer la colère !

Oui, Dieu est parfois un Dieu dérangeant. Il dérange nos traditions, nos préjugés, nos idées toutes faites. Il dérange nos réticences, nos convictions erronées. Il nous étonne par sa grâce, son amour, son pardon, sa bonté. C’est Jésus, c’est Dieu. Mais beaucoup n’en veulent pas aujourd’hui, comme du temps de Jésus. Ils veulent le supprimer, le faire disparaître de leur paysage.

3°) « Mais lui, passant au milieu d’eux, alla son chemin »

Il semble que rien ne puisse arrêter, déstabiliser le Seigneur. Il alla son chemin. Jésus poursuit sa route, il ira jusqu’au bout de sa mission, jusqu’à la croix. On peut dire par extension, que rien ne peut et ne pourra jamais arrêter l’œuvre de Dieu. Que ce soit l’œuvre qu’il accomplit dans les cœurs de ceux qui veulent croire en lui et le suivre, que ce soit celle qu’il accomplit dans le monde. On l’a vu et entendu ce matin à travers les témoignages de ceux qui se sont fait baptiser. Si le Seigneur nous appelle, n’hésitons pas à emprunter nous aussi ce chemin de conversion et de baptême. On peut voir son œuvre dans nos cœurs si nous voulons bien nous laisser transformer par son Esprit. Soyons toujours ouverts à ce que le Seigneur veut faire dans nos vies. N’ayons pas peur de l’obéissance, de l’engagement, des changements dans nos vies et dans nos habitudes. Même s’il n’y a pas obligatoirement au bout quelques récompenses temporelles, il y en aura certainement une éternelle, au-delà de ce monde.

Rien ne peut et ne pourra arrêter son œuvre dans le monde. Nous l’avons vu une fois encore lors de la réunion missionnaire de jeudi soir avec notre sœur Françoise Pédeau. Comme nous le voyons aussi par toutes les nouvelles missionnaires que nous recevons. Comme l’œuvre que Dieu fait jusqu’en Papouasie Nouvelle Guinée avec Aurélie et André T. Dieu fait des merveilles partout. Rien ne peut et ne pourra arrêter son œuvre, à l’image de Jésus passant au milieu d’une foule hostile pour continuer son chemin et sa mission au milieu des contradictions qu’il a du vivre.

« N’aie peur de personne : je suis avec toi… »

Que cette parole nous suffise pour continuer notre route au sein de cette vie pleine de contradiction. Vivons avec reconnaissance ses bénédictions, et avec confiance les épreuves qu’il permet. Que Dieu nous libère de toute vision « manichéenne » de la vie chrétienne. Que notre vie, celle de notre église, avec toutes les autres soient témoignage prophétique au monde pour la gloire de Dieu.

Pasteur Joël Mikaélian

03/02/19