Es. 53. 7 et 8 / Act. 7. 54 à 60 / Heb. 12. 1 à 5

« Courrons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée… »

C’est aujourd’hui une journée de souvenir, de commémoration. Il y a 107 ans maintenant que débutait le premier Génocide du 20ème siècle. Plus d’un siècle a passé, mais la douleur reste vive. Vive parce que les coupables de ces horreurs et leurs héritiers n’ont toujours pas reconnu leur culpabilité, encore moins demandé pardon, et encore moins proposé de réparations. La douleur reste vive aussi car cette volonté d’extermination est toujours présente ; témoins les propos des présidents turc et azérie lors de la guerre au Karabagh, à l’automne 2020. La douleur reste vive et elle est malheureusement sans cesse réactivée par l’actualité de ce monde de violence, où l’on massacre des innocents sans défense, comme aujourd’hui en Ukraine. La douleur est d’autant plus vive pour nous Arméniens, lorsque l’on voit aujourd’hui, les bourreaux d’hier s’ériger en « médiateur » de paix ! On est au comble de l’indécence ! Quel message pour nous ce matin, entre douleur du souvenir et colère face à l’injustice, l’impunité ?

1°) « Seigneur Jésus, reçoit mon esprit… »

C’est la prière d’Etienne, premier martyr de l’ère chrétienne ; un disciple de Jésus Christ « plein de grâce et de puissance ». Un homme de bien, dont le seul tort était de faire du bien au nom de Jésus Christ et d’annoncer la bonne nouvelle de l’évangile. Il fut sauvagement lapidé. Et malheureusement, la liste des martyrs ne s’arrêtera pas là. Tout au long de l’histoire chrétienne, des hommes et des femmes seront lapidés, livrés aux lions dans les arènes, massacrés, persécutés, emprisonnés… Le Génocide du peuple Arménien s’inscrit dans cette histoire de martyrs chrétiens ; particulièrement dans les années sombres de la 1ère guerre mondiale, alors qu’il vivait en paix dans un empire ottomans en déroute. A cette époque, le « coupable » de la déroute fut vite trouvé. C’est ainsi que plus d’un million et demi d’Arméniens furent massacrés. D’autres furent déportés, déplacés et trouvèrent refuge dans des camps à Alep, Beyrouth, puis dans plusieurs pays du monde comme la France. Mais au sein de ces horreurs, de ces douleurs, de cet obscurantisme, la prière d’Etienne résonne d’une belle espérance : « Seigneur Jésus, reçoit mon esprit… » Et ce qu’il rajoute n’en est pas moins beau : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché ». Un bel écho aux paroles du Christ sur la croix : « Père, pardonne-leur, ils ne savent ce qu’ils font ». Les véritables vainqueurs ne sont pas ceux que l’on croit. Ce sont les martyrs, celles et ceux qui aiment, qui pardonnent, qui demeurent fidèles au Christ. Ce sont eux les vainqueurs qui recevront « la couronne de vie » (Apoc. 2. 10). La prière d’Etienne est une riche consolation. Ceux qui ont quittés ce monde dans la foi, ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui, sont toujours vivants, auprès du Seigneur. Ils attendent le jour de justice, jour où toute justice sera rétablie pour toujours.

2°) « Courrons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée… »

L’épître aux Hébreux, au chapitre 11 énumère une liste de femmes et d’hommes de foi. En commençant par Abel, Hénoch, Noé, Abraham… et bien d’autres. Ce chapitre a la particularité de considérer d’une façon égale, les héros de la foi qui ont vécu de grands miracles et ceux qui ont vécu d’immenses épreuves, jusqu’au martyr. Ce texte répond, avec d’autres, à la question légitime que nous nous posons tous face au martyr d’Etienne, ou lorsque nous faisons mémoire du Génocide Arménien. Il répond à la question du pourquoi ? Pourquoi Dieu n’est-il pas intervenu pour arrêter les bourreaux d’Etienne ? Pourquoi n’est-il pas intervenu pour arrêter les bourreaux du peuple Arménien ? Parce que Dieu voit autrement que nous. Il voit et vit dans l’éternité. Il voit le passé, le présent et surtout l’avenir. Et il intervient ou pas, en fonction de paramètres que nous ne connaissons pas. Ce qui demande de nous un acte de foi. Foi et confiance en la sagesse de Dieu, en sa bonté, en son amour. L’acceptation des événements que nous vivons, des épreuves que nous traversons, individuellement ou collectivement, dépend du degré de confiance que nous avons en la sagesse de Dieu. Et le texte du chapitre 11 se poursuit au chapitre suivant par cette exhortation : « Puisque nous sommes environnés d’une si grande nuée de témoins… Courrons avec endurance… » Il encourage les croyants à la fidélité malgré tout, ou à la fidélité quoi qu’il en coûte, pour reprendre une expression devenue célèbre. Notre foi doit se nourrir de la Parole de Dieu, mais aussi des exemples de foi de ceux qui nous ont précédés. Mais par-delà ces considération, l’auteur de l’épître aux Hébreux nous indique aussi où trouver l’inspiration, les forces, le courage de croire, même dans les pires épreuves de la vie.

3° « Les regards fixés sur Jésus… »

C’est à Jésus qu’il nous faut regarder, à sa vie, à son parcours de vie. Jésus a renoncé pour un temps, à sa gloire. Il s’est abaissé pour devenir un simple homme. Lui qui était Dieu, a accepté de revêtir pour un temps notre humanité. Le temps d’accomplir l’expiation des fautes du monde entier. Le temps de prendre sur lui toute notre condamnation. Il a subi les pires injustices, les pires violences, la pire mort par amour pour nous. C’est à lui qu’il faut regarder. Car il est non seulement mort, mais surtout ressuscité. Il nous faut regarder à celui qui : « Insulté, ne rendait pas l’insulte, maltraité, ne faisait point de menaces, mais s’en remettait à celui qui juge justement » (1 Pie. 2. 23 en réf à Es. 53. 7). C’est de lui que nous devons prendre exemple, en toutes choses. C’est de son Esprit que nous devons être animés en toutes choses.

Conclusion :

« Courrons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée… »

Entre douleur du souvenir et colère face à l’injustice et l’impunité, le Seigneur nous invite à la fidélité dans la foi ; cette foi qui donne consolation et espérance au-delà de la mort.

Il nous invite à avoir confiance en sa sagesse, en son amour, en sa justice. Il nous invite à regarder à lui, le chef et le fondement de la foi ; à considérer sa vie et suivre son exemple.

Pasteur Joël Mikaélian

24/04/2022