Jean 12. 20 à 33

« L’heure est venue… En vérité, en vérité, je vous le dit, si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, il reste seul ; si au contraire il meurt, il porte beaucoup de fruit »

C’est en ces termes que Jésus annonce l’heure de sa mort, quelques jours avant son arrestation et la croix. A travers ces mots, il nous invite à porter un autre regard sur la mort, la sienne comme la nôtre, un autre regard sur la vie aussi. Depuis un an maintenant, la peur de la mort a envahie le monde entier ; une peur qui interroge. Comme si la mort était un phénomène nouveau ! Alors que depuis Adam, elle a régné sur toute l’humanité. Pourquoi tant de peur, tant de panique ? N’est-ce pas étrange ? N’est-ce pas le signe d’un monde qui a rejeté Dieu, qui n’a d’autre espérance que cette vie ? Quel enseignement retirer de ces paroles de Jésus : « En vérité en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, il reste seul ; si au contraire il meurt, il porte du fruit en abondance ». Comment comprendre aussi l’application que Jésus en fait à nos vies ?

1°) « Seigneur, nous voudrions voir Jésus… »

Quelques grecs, venus adorer à l’occasion de la Pâque, désirent voir Jésus. Ils ont probablement entendu parler de lui et souhaitent en savoir davantage. Philippe semble embarrassé, il va voir André et ensemble, ils vont voir Jésus. Et c’est là que Jésus parle tout à coup de l’heure de sa mort. Difficile d’y voir un lien, ou peut être si ! Jésus discerne-t-il ici chez ces grecs, une sorte de méprise sur sa personne ? Désirant voir en lui un Messie triomphant, venu établir son royaume sur terre ? C’est probable. D’ailleurs, les disciples eux même ont eu énormément de mal à se défaire de cette image. Et nous, quelle image avons-nous du Christ ? Et par conséquent, de la vie chrétienne ? Une vie triomphante, prospère, tranquille, heureuse, faite de bonheur matériel, de succès… ? Avons-nous bien vu Jésus, l’avons-nous bien connu ? Notre vision de la vie chrétienne est-elle juste ? C’est à cela que Jésus va répondre, écoutons-le !

2°) « En vérité, en vérité, je vous le dit, si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, il reste seul ; si au contraire il meurt, il porte beaucoup de fruit »

Par une image simple, Jésus se compare à ce grain de blé qui tombe en terre et qui doit mourir pour donner du fruit. Par cette image, Jésus parle de la nécessité de sa mort, il en donne le sens, et nous invite, en même temps, à porter un autre regard la vie et la mort. Il brise le « scandale » de la mort, son aspect dramatique. Il la présente comme faisant partie intégrante de la vie. Tout d’abord, par cette image Jésus explique combien sa mort sera porteuse de vie. Que c’est par elle que viendra le salut et l’accès à la vie éternelle. Sa mort sauvera des milliards d’être humain pour l’éternité. Nul besoin d’être grand savant pour comprendre l’image, elle est évidente ! Il est indispensable que le grain de blé qui tombe en terre, meure ! S’il ne meurt pas, il pourrit et il ne donne rien, aucun épi. Mais s’il meurt, tout change. Il donne du fruit, produit quelque chose de bon et multiplie ce qui est semé. C’est un miracle ! Par cette image Jésus révèle tout le mystère de sa mort. C’est grâce à elle que Dieu pardonne le péché et ouvre à nouveau le monde à la vie éternelle. La croix met la mort en place, à sa place. En Jésus, elle est vaincue, son règne est terminé, elle est déchue pour toujours de son piédestal. Elle a perdu sa force, sa puissance pour ceux qui croient. Ce qui faisait dire à l’apôtre Paul : « Mort, où est ta victoire, … Où est ton aiguillon ?… Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ » (Rom. 15. 57). C’est fini ! Cette vérité dédramatise la mort, la nôtre. Le miracle de la résurrection reste, pour nous chrétiens, notre plus belle espérance. Mais pour ceux qui refusent de croire, la mort reste ce drame qui remplie d’angoisse, de crainte et de peur, comme nous le voyons aujourd’hui dans le monde.

3°) « Celui qui aime sa vie la perdra… Si quelqu’un veut me servir…»

C’est à partir de là que Jésus se tourne alors vers ses auditeurs, vers nous pour prolonger sa pensée et en faire une application à nos vies. Aimer sa vie ou haïr sa vie, les mots sont forts. Jésus nous invite à le suivre. Que veut-il dire ? Certes, il ne s’agit pas de mépriser sa vie, encore moins d’y mettre fin. Mais bien au contraire, il s’agit tout d’abord de porter un autre regard sur la mort, de la considérer autrement, comme un passage vers la vie éternelle. Et ensuite, il s’agit de vivre, de devenir en lui, porteur de vie, en mettant la nôtre à son service. Par cette application de la métaphore du grain de blé, Jésus nous indique qu’il n’y a pas de vie féconde, sans renoncements, sans don de soi, sans sacrifice. Certes cela n’aura jamais la valeur rédemptrice de son sacrifice à la croix. Mais le principe spirituel demeure. C’est quand on renonce au mal, au péché, qu’on reçoit la vie, l’espérance du salut, l’éternité. C’est lorsque qu’on renonce à l’orgueil, à l’égoïsme, que l’on apprend à « lâcher prise », à renoncer même à nos droits, qu’on les retrouves, que Dieu fait naître la vie dans tout ce qui semble mort. C’est, par exemple, ce que le Pasteur Martin Luther King a su incarner en son temps, le renoncement, la non violence, la force de l’amour qui donne vie.

Et Jésus accompagne cette invitation d’une belle promesse : « Si quelqu’un me sert, le Père l’honorera… ». Quelle grâce !

Perdre sa vie n’a rien à voir avec la mort ou le refus de vivre. Bien au contraire, perdre sa vie, c’est trouver le sens véritable de la vie, en la mettant au service de Dieu et de nos semblables. Ce qui demande le renoncement à ne vivre que pour soi. Celui qui s’engage à cela, gardera sa vie pour l’éternité.

Certes, tout ceci n’est pas simple. Jésus lui-même est profondément troublé par ce qu’il vient de dire. « Mon âme est troublée… Père, sauve-moi de cette heure ? Mais c’est pour cette heure que je suis venu ». Et nous, pour quelle heure sommes-nous venus en ce monde ?

Conclusion : « L’heure est venue… »

Elle est venue l’heure, pour nous aussi, de voir les choses autrement ; de voir la vie autrement, notre vie autrement ; comme un bien précieux, à vivre avec gratitude et à mettre au service de Dieu ; du salut de ce monde qui a perdu toute espérance au-delà de cette vie et qui vit dans la peur et l’angoisse de la mort.

Elle est venue l’heure, peut être de la conversion, de la nouvelle naissance… l’heure de la décision de l’engagement au baptême. L’heure de la décision de tel ou tel renoncement et engagement nouveau. L’heure d’un renouveau sur ce chemin du carême qui nous mène à Pâques.

Pasteur Joël Mikaélian

21/03/2021