Marc 9. 2 à 10 / 2 Pier 1. 16 à 18

« Il fut transfiguré devant eux… »

Du temps de Jésus, le monde était moche, remplie de mal, d’injustice, de souffrance, de violence, de maladies… Certes, la fameuse « Pax Romana » régnait dans tout l’empire, mais à quel prix ! Grâce à ses armées, César exerçait son pouvoir, pas toujours juste. Mais c’était dieu. C’est dans ce monde que Jésus est né et a exercé son ministère. C’est dans ce monde que l’Eglise est née et s’est développé. Depuis, bien des choses ont changés, mais force est de constater que le cœur de l’homme, la pensée ambiante est restée la même. Il suffit de regarder aux situations insurrectionnelles dans de nombreux pays du monde, aux troubles actuels en Arménie, aux violences des jeunes proches de nous, sans parler de la peur, de la lassitude, du découragement de bon nombre de nos contemporains face aux crises qui n’en finissent pas. Mais comment être témoin du Christ dans ce monde ? Comment le Seigneur a-t-il aidés ses disciples à être porteurs d’amour, de paix, d’espérance, de pureté, d’intégrité, de justice ? Comment ont-ils pu résister, eux et bien d’autres à leur suite ? Comment pouvons-nous nous aussi relever ce défi aujourd’hui ?

1°) «Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et les emmène seuls à l’écart… »

C’est à un moment crucial de sa vie que Jésus emmène quelques disciples à l’écart. Il vient d’annoncer à tous la nécessité de son sacrifice. Il commençait à dire que celui qui voulait le suivre devait renoncer à lui-même, devait prendre sa croix. Qu’il fallait perdre sa vie pour la sauver. De quoi semer trouble et découragement chez ses disciples. Et c’est à ce moment que Jésus va permettre à trois d’entres-eux de vivre une expérience unique. Là sur la montagne, « Il fut transfiguré devant eux… ». Tout à coup, Jésus n’est plus le même. Il devient tout autre, il est transformé, transfiguré devant eux. Il parle avec Elie et Moïse. Deux personnages connus, bien vivants quoique morts depuis longtemps. Le Seigneur accorde à ses disciples une vision céleste extraordinaire. Une vision exceptionnelle, un peu comme celle de Moïse sur la montagne du Sinaï. A l’époque, son visage resplendissait chaque fois qu’il parlait avec Dieu. Une vision un peu comme celle d’Elie, lorsqu’il était désemparé face à la méchanceté et au mal environnant ; alors qu’il demandait la mort, Dieu vint vers lui et lui parla dans un murmure doux, léger : « Que fais-tu ici Elie… va reprend ton chemin…». Comme Moïse et Elie, Pierre, Jacques et Jean resteront marqués par cette vision céleste. Pierre le dira dans sa seconde lettres aux chrétiens : « nous avons vu sa gloire, nous avons entendu la voix qui disait : « Celui-ci est mon Fils bien aimé… ». L’apôtre Paul lui aussi, dans sa défense devant le roi Agrippa, déclarera à propos de sa rencontre avec Jésus sur le chemin de damas : « Je n’ai pas résisté à la vision céleste… ». La vision céleste, c’est ce qui donne la force d’être témoins dans ce monde. Ouvrons nos yeux, nous aussi sur les réalités célestes. Soyons conscients qu’elles existent même si elles sont invisibles à nos yeux aujourd’hui. D’autres les ont vues et en on témoigné afin que nous en ayons connaissance.

2°)   « Il est bon que nous soyons ici… »

Devant la vision de la gloire de Dieu, Pierre ne sait plus quoi dire. Il est tellement bouleversé de voir Jésus glorifié. Il veut prolonger cet instant de grâce, cette vision merveilleuse : Elie, Moïse, Jésus qui s’entretiennent ! De quoi parlent-ils ? Marc et Matthieu ne le disent pas. Seul Luc nous dit qu’ils parlaient du départ de Jésus pour Jérusalem, de la passion, de la croix. Ils parlaient de l’accomplissement de tout ce que la loi et les prophètes avaient révélé. Pierre veut prolonger ce moment : « Il est bon que nous soyons ici… ». « Seigneur, il est bon que nous soyons ici avec vous, à l’écart de ce monde de fous ! » Pierre veut rester là, comme nous parfois lorsque nous voulons rester dans nos « petites bulles personnelles », nos « bulles spirituelles », même, oubliant que la véritable spiritualité se décline dans la relation au monde, dans notre relation à l’autre, au prochain, dans le quotidien de la vie.

3°) « Une nuée vint les recouvrir… »

Jésus ne répond pas à la requête de Pierre. Une nuée vient couvrir le trio en réunion. Pourquoi ? Cette nuée nous rappelle les limites de la révélation de Dieu pour nous aujourd’hui. Nous ne pouvons pas concevoir la totalité de la personne de Dieu, de son œuvre, de la vie à venir. Comme le reconnaissait l’apôtre Paul : « Aujourd‘hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière obscure, mais alors nous verrons face à face ; aujourd’hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j’ai été connu » (1 Cor. 13. 12). C’est ce que nous devons accepter aussi. Une nuée vient les couvrir, mais une voix se fait entendre : « Celui-ci est mon Fils bien aimé. Ecoutez-le ». Jésus est le véritable Fils de Dieu. Il est la Vérité, le chemin, la vie. C’est lui que vous devez écouter et suivre. Nous avons tout en Jésus Christ, il est suffisant pour nous. Après cela, tout redevient comme avant. Comme la fin d’un rêve, la fin d’un instant de grâce comme nous pouvons en vivre parfois dans notre vie de prière. Tout redevient comme avant, Jésus redevient comme avant, plus de vision, plus de Moïse, plus d’Elie… plus rien. Il faut descendre de la montagne, il faut aller vers les autres. Attendre avant de parler certes, mais en parler au moment opportun. C’est ce que les disciples feront, comme Pierre dans sa lettre aux chrétiens persécutés. Il leur écrit : « Ce n’est pas par des fables… que nous vous avons fait connaître le venue puissante de notre Seigneur Jésus Christ, mais pour l’avoir vu de nos yeux dans tous son éclat… quand nous étions avec lui sur la montagne sainte » (2 Pier. 1. 16 à 19). L’Evangile, la réalité du monde céleste n’est pas un montage, une fabrication humaine, une projection de nos angoisse face à la mort, c’est la vérité, tenez bon !

Conclusion

« Il fut transfiguré devant eux… »

La transfiguration de Jésus marquera un tournant dans la vie des disciples. Désormais, pour eux, rien ne sera plus comme avant. Ils ont vu un aspect de la gloire de Dieu. Comme Moïse, comme Elie, comme Paul et bien d’autres. Et ils en ont témoignés pour nous, afin que nous croyions.

Portons nous aussi nos regards ce matin vers cette vision céleste. Qu’elle affermisse notre foi, qu’elle la suscite peut être, qu’elle la réveille. Afin que nous puissions tenir bon dans ce monde à la dérive. Afin que nous gardions l’espérance dans ce monde désespérant. Que nous soyons porteurs d’amour et de paix, dans ce monde de haine et de violence… Que ce temps de Carême soit pour nous ce temps de renouveau.

Pasteur Joël Mikaélian

28/02/2021