Lecture : Dan. 7. 13 et 14 /Jean 18. 33 à 37 / Apoc. 1. 5 à 8

« Mon royaume n’est pas de ce monde… »

Pouvoir religieux et pouvoir politique, l’église et l’état, le débat n’est pas nouveau. Il parcourt l’histoire du peuple d’Israël dans l’Ancien Testament, comme l’histoire de l’église dans le Nouveau Testament et par la suite. Le chrétien et la politique jusqu’où pouvons-nous aller ? Faut-il allier les deux ? Peuvent-ils faire bon ménage ? Doivent-ils s’opposer, s’ignorer, fusionner ? Dans l’Ancien Testament, les deux semblent aller de pair. C’est Dieu qui fixe les lois sociales, la politique, le vivre ensemble. Mais Dieu trace tout de même une ligne de démarcation entre le religieux et le politique. Le roi Saül en fera les frais pour ne pas avoir respecté cette ligne de démarcation. Dans le Nouveau Testament, les choses semblent différentes. Certes, Jésus trace aussi une ligne de démarcation en déclarant à Pilate : « Mon royaume n’est pas de ce monde ». Mais il dit aussi à ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre, la lumière du monde… » (Matth. 5. 13 et 14). Il prie le Père pour ses disciples en disant : « ils ne sont pas du monde… mais je ne te prie pas de les ôter du monde… » (Jean 17. 14 et 15). Aujourd’hui la question se pose à nouveau avec la présence d’autres religions. Ce qui amène le Président de la république à souhaiter revoir la loi de 1905, dite «loi de séparation entre l’église et l’état ». La question est aussi d’actualité avec la montée des populismes qui trouvent ça et là leur soutien dans les églises. Comment résoudre l’équation ? Entre «la loi et le goupillon », où se positionner « Avec ou sans gilet jaune ? »

 

1°) « Tu es donc roi… ? »

Jésus laisse planer le doute, au point de troubler profondément Pilate. Et sa question permet à Jésus d’annoncer un autre royaume, pour lequel il est venu. Il est venu rendre témoignage à la vérité. Et la vérité, c’est qu’il y a un royaume « tout autre » qui supplante tous les royaumes de ce monde, qui les dépasse et les transcende tous. Il s’agit de ce royaume déjà révélé à Daniel bien des siècles avant. « Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et son royaume, un royaume qui ne sera pas détruit ». (Dan. 7. 13 et 14) Pilate ne comprendra pas la vérité, malgré qu’il ait posé la question à Jésus. Il reste trop occupé par ce monde, sa place, sa fonction, son rang social. Il ne prendra pas le temps, ni le risque de se confronter à la vérité.

Quant à nous, quel est notre positionnement par rapport à la vérité ? Sommes-nous comme Pilate, comme tous ceux qui ont rejeté le Christ en son temps et depuis ? Ou sommes-nous de celles et de ceux qui ont compris et accepté la grâce du salut ! Et qui appartiennent à ce royaume inébranlable et éternel, que rien ne pourra détruire ! C’est l’essentiel du message de Jésus. Le message que l’église se doit d’annoncer au monde. C’est le sens premier et profond de sa mission. Elle se doit de le faire à travers le culte qu’elle rend à Dieu, la vie de ses membres, l’amour qu’elle manifeste pour Dieu et pour le prochain. Ce qui est un signe du royaume à venir.

2°) Mon royaume n’est pas de ce monde

Tout en annonçant son royaume, Jésus trace une ligne de démarcation. Ligne que l’église a malheureusement dépassée tout au long de son histoire, et aujourd’hui encore parfois. De tous temps, la tentation a été grande pour l’église de confondre les deux. Elle a souvent cédé à la tentation du pouvoir, même avec les meilleures intentions. Comme on l’entend parfois aujourd’hui : « Ah si nous avions un président de la république chrétien ! De surcroit, évangélique ! Le monde n’irait-il pas mieux ? Notre vie ne serait-elle pas plus simple? Les lois ne serait-elles pas en accord avec la Parole de Dieu ? Et si les chrétiens s’engageaient davantage en politique ! ». Malheureusement, l’histoire nous montre que les expériences dans ce domaine n’ont pas toujours été heureuses, voire même catastrophiques parfois. La question n’est pas simple, et les réponses non plus. Quel chemin emprunter pour l’église, pour nous en tant qu’individus ? Devons-nous totalement nous désintéresser de la chose publique, sous prétexte que notre royaume n’est pas de ce monde ? Ou devons-nous trouver un chemin qui respecte toutes les données de l’évangile ?

« Être dans le monde et ne pas être du monde » : Certes le royaume de Dieu, et le nôtre, n’est pas de ce monde. Jésus l’a dit à Pilate. Il le dit aussi dans sa prière en Jean 17 : « Ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde ». Mais Jésus rajoute immédiatement après : « Je ne te prie pas pour que tu les ôtes du monde mais pour que tu les gardes du mal ». Jésus nous a laissés dans ce monde, pour que nous soyons, sel et lumière. Nous sommes citoyens des cieux, mais citoyens de ce monde aussi. L’église primitive a dû, dès son origine, faire face à cette tension et tenter de la résoudre. Pour cela, elle a dû, dès le début, tracer une ligne de démarcation entre soumission aux autorités et soumission à Dieu. Selon la formule célèbre : « Mieux vaut obéir à Dieu qu’aux hommes » (Act. 4. 19). Mais n’est-ce pas une parole dangereuse, du radicalisme religieux ? L’église serait-elle au-dessus des lois de la république ? Les apôtres ont bien vu l’écueil, et ont vite précisé une autre ligne, savoir, la soumission aux autorités. L’apôtre Paul écrit aux chrétiens de Rome : « Soyez soumis aux autorités… » (Rom. 13) Alors que ce même pouvoir persécutait les chrétiens ! L’apôtre Pierre de son côté exhortait les chrétiens à accepter la souffrance : « Car il vaut mieux, si la volonté de Dieu le voulait, souffrir en faisant le bien, qu’en faisant le mal ».

On le voit, l’église primitive a dû très tôt résoudre l’équation « Eglise – Etat ». Elle l’a fait avec sagesse et discernement, en étant présente au monde, sans se compromettre. Elle a su obéir à Dieu et se soumettre aux autorités en place. Elle a su vivre cette tension, cette double citoyenneté sans chercher à conquérir un pouvoir politique quelconque en ce monde.

3°) « A celui qui nous aime… »

Quelle voie pour nous, pour l’église aujourd’hui ?

Tout d’abord, nous devons nous réjouir et proclamer ce royaume inébranlable qui vient. Le proclamer par notre adoration, l’exemplarité de notre vie nouvelle en Jésus, notre citoyenneté céleste. Nous devons vivre déjà au ciel, mais pas seulement ! Nous devons aussi être présents en ce monde, être de bons citoyens de ce monde. A la fois respectueux des lois, et garder un regard critique, prophétique, sans jamais se compromettre avec le pouvoir politique quel qu’il soit. Nous devons rester vigilants, ne pas ignorer les desseins des pouvoirs politiques de ce monde, leur désir d’instrumentaliser l’église à leur profit. Et si le Seigneur nous appelle à entrer en politique, faisons-le avec sagesse, à titre individuel, mais pas au titre de l’église. Faisons-le à titre de chrétien même, mais pas au nom de l’église. Ce qui n’empêche pas de demander la prière de l’église.

Conclusion

« Mon royaume n’est pas de ce monde… »

Que Dieu nous accorde la grâce de comprendre et de vivre cette parole du Christ. De vivre cette double citoyenneté avec sagesse. Dans la joie et l’espérance du royaume qui vient, tout en étant témoins de ce royaume, présents dans ce monde.

Pasteur Joël Mikaélian
25/11/18