Héb. 11. 36 à 40 / Apoc. 2. 8 à 11 / Jean 16. 32 et 33

« Sois fidèle jusqu’à la mort… »

L

a lettre du Seigneur à l’ange de l’église de Smyrne, a dû revêtir des reliefs particuliers tout au long de son histoire. Il est possible qu’au siècle dernier, elle ait eu un impact saisissant parmi les chrétiens de cette ville. En septembre 1922, dans la suite du Génocide des arméniens, les turcs envahirent la ville et massacrèrent des milliers de chrétiens, grecs et arméniens. Puis ils y mirent le feu pour couvrir les traces de leur barbarie. A cette époque, des milliers de chrétiens y trouvèrent la mort dans des conditions atroces. Cette lettre de l’Apocalypse concernait-elle ces événements ? On ne sait pas, mais les chrétiens ont dû probablement y penser à cette époque. Peut-être y ont-ils trouvé les encouragements à demeurer fidèles au Christ jusqu’à la mort. Ce matin, nous commémorons à nouveau le Génocide des arméniens perpétré par le gouvernement des jeunes turcs en 1915. C’est pour nous un devoir de mémoire, un hommage que nous voulons rendre à tous ceux qui ont subi ces atrocités. Hommage et prière, prière non pas pour les défunts, mais prière pour que justice soit faite au peuple arménien ; justice qui implique reconnaissance, demande de pardon et réparation. Année après année, cette commémoration questionne aussi notre foi. Pourquoi Dieu a-t-il permis ? Pourquoi ne fait-il pas justice ? Pourquoi nos épreuves ? Peut-on considérer la mort comme une victoire ? Le silence de Dieu peut-il être signe de sa fidélité ? Jusqu’où sommes-nous prêts à aller par fidélité au Christ ?

1°) « Je sais ton épreuve… et les calomnies… »

« Celui qui fut mort et qui est revenu à la vie » dit à son église qu’il sait ce qu’elle éprouve comme souffrance et hostilité de la part de personnes manipulées par le malin. Il sait, il n’y est pas indifférent, mais il n’intervient pas pour autant. Il ne supprime pas l’épreuve. Il dit seulement qu’elle sera limitée dans le temps, tout en suggérant qu’elle pourrait aller jusqu’à la mort. C’est effectivement ce qui s’est passé tout au long de l’histoire pour d’innombrables martyrs chrétiens. C’est effectivement ce qui s’est passé pour beaucoup de nos grands-parents durant le Génocide. Combien sont-ils à avoir donné leur vie pour rester fidèles au Christ ! Combien sont tombés levant les mains au ciel pour implorer Dieu ? C’est ce qui s’est passé aussi en septembre 1922 à Smyrne, l’actuelle Izmir.

Aujourd’hui encore, le Seigneur connait les persécutions et les épreuves que des milliers de chrétiens vivent dans le monde. Il sait aussi tout ce que nous vivons comme souffrances, questionnements. Il sait, mais il se peut qu’il n’intervienne pas pour autant selon nos prières et nos désirs. Il sait, c’est déjà un soulagement, ou cela devrait l’être. Car s’il sait, c’est qu’il voit, c’est noté chez lui. Il interviendra en son temps, et donnera force et patience à ceux qui placent une pleine confiance en Lui.

Pourquoi n’intervient-il pas ? Ou plutôt n’intervient-il pas selon nos désirs ? L’épître aux Hébreux semble nous donner quelques éléments de réponse. Parlant de tous les martyrs qui n’obtinrent pas la délivrance espérée dans ce monde, elle nous dit que le monde n’était pas digne d’eux. « Eux dont le monde n’était pas digne… ». Le texte semble dire que la mort était pour eux une forme de libération d’un monde indigne. Une victoire, puisque pour ceux qui croient en Jésus, la mort ouvre sur la vie éternelle. De plus le texte suggère, dans une formule plus ou moins énigmatique : « ils ne devaient pas arriver sans nous à l’accomplissement ». C’est-à-dire l’accomplissement de toutes choses ne pourra se faire qu’en Jésus sous la nouvelle alliance et trouvera sa pleine réalité dans son royaume éternel. En attendant, nous devons accepter de vivre les épreuves de la vie comme ceux qui nous ont précédé les ont vécues, avec foi et courage. Comment vaincre ?

3°) « Ne crains pas… prenez courage… »

Si le Seigneur ne cache pas la réalité des épreuves, dues au mal qui impacte ce monde, il nous donne aussi les moyens de les vivre et de les vaincre. Il nous invite à faire preuve de courage, à ne pas nous laisser envahir par la peur. A ne pas nous décourager en voyant ce qui se passe dans le monde ; le mal, la violence, l’injustice, les moqueries, les calomnies. Il nous a prévenus : « Vous aurez des tribulations dans le monde, mais prenez courage… ». Il nous appelle à vivre dans la confiance avec lui. Que les épreuves, les difficultés, l’adversité ne brisent pas, n’affectent pas notre confiance en sa bonté, en son amour et en sa grâce. Qu’elles ne nous fassent jamais oublier cette promesse fondamentale de sa présence à nos côtés : « Je suis avec vous tous les jours… ». Que sa présence soit notre force, son amour notre espérance, son salut notre joie.

3°) « J’ai vaincu… je te donnerai la couronne de vie… »

Le Seigneur nous donne aussi un sujet de force et de paix, à savoir sa victoire sur le monde et la couronne de vie promise à tous ceux qui restent fidèles dans les épreuves.

Sa victoire sur le monde, sur la mort sont évidentes. Elles nous donnent la force nécessaire pour affronter la mort dans l’espérance de la résurrection. C’est cette force qui a animé et qui anime encore aujourd’hui les martyrs, tous ceux qui risquent leur vie pour rester fidèles au Christ.

La couronne de vie, c’est la promesse du monde à venir, qui n’aura plus de fin, et qui sera la vie telle que Dieu l’avait prévue à l’origine. Une vie de lumière, d’amour, de paix, de joie, où le mal n’aura plus sa place. C’est avec cette espérance que tous les martyrs ont donné leur vie. C’est avec cette espérance que beaucoup de chrétiens sont tombés tout au long de l’histoire de l’église. C’est avec cette espérance que nos grands-parents sont tombés en 1915 et par la suite, dans les déserts de Syrie, comme à Smyrne et dans bien d’autres villes et villages d’Anatolie.

Aujourd’hui, avec le Seigneur, ils nous disent tous : « Sois fidèle jusqu’à la mort… »

Pasteur Joël Mikaélian
29/04/18