Luc 14. 25 à 33

« Que celui qui a des oreilles pour entendre entende »

En termes de radicalisme, difficile de faire mieux ! Haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et même sa propre vie pour être disciple de Jésus ! La barre est haute ! Très haute ! Comment comprendre un tel radicalisme ? Jésus ne va-t-il pas trop loin ? Voulait-il faire une sélection ! Trop de monde le suivait ? Comment comprendre ? Comment avoir des oreilles pour entendre et mettre en pratique cette parole de l’évangile ?

1°) « Si quelqu’un vient à moi… »

Tout d’abord, il faut noter le caractère volontaire de la démarche. Être disciple du Christ n’est pas une mince affaire, mais Jésus n’oblige personne. D’ailleurs à aucun moment Jésus n’obligera quiconque à le suivre. Aujourd’hui aussi ! Ensuite, il faut mettre en miroir cette parole avec d’autres paroles de Jésus qui semblent dire le contraire. « Honore ton père et ta mère… », sans parler de toutes les exhortations à aimer son prochain comme soi-même ; aimer même son ennemie. Comment Jésus peut-il se contredire de façon aussi flagrante ? Haïr, aimer ? C’est là que certaines d’autres textes et traductions viennent à notre secours et nous éclairent un peu. En Matthieu 10.37, Jésus dit : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi, n’est pas digne de moi ». Idem pour son fils, sa fille… Ces textes parallèles nous permettent de comprendre qu’il s’agit plutôt de préférence et non de haine. Cependant, le texte de Luc est fort, volontairement excessif et il ne faut pas le minimiser. Il souligne quelque chose de vrai. Certainement que Jésus utilisait par moment ce genre de rhétorique pour faire réagir son auditoire. Ici, il s’agit en fait de mettre le Christ en premier, en première place. En d’autres termes, Jésus questionne ici la qualité, l’intensité de notre amour pour lui. La sincérité de notre engagement, de nos chants, de nos prières, de nos discours. « Je n’ai que toi… » dis un chant connu. « Seigneur, je te suivrai partout… »disait quelqu’un à Jésus. Jusqu’où sommes-nous prêts à suivre Jésus ? A quels renoncements sommes-nous prêts ? Etre disciple du Christ, demande un engagement total, radical, mais volontaire. Qu’en est-il du nôtre aujourd’hui, en cette rentrée d’église ? Rentrée « post covid ». Sommes-nous prêts à nous engager, à nous réengager totalement ? Radicalement ? A aimer le Christ plus que tout ? Lui qui a donné sa vie pour notre salut, pour que nous ayons l’assurance, l’espérance de la vie éternelle, face à la mort ! C’est pour moi qu’il est mort sur la croix, ce sont mes péchés qu’il a porté sur la croix, c’est ma condamnation qu’il a cloué sur la croix ! Suis-je prêt à aimer le Christ plus que tout, plus que tous, plus que moi-même ? Donner de ma vie pour lui, pour son œuvre ?

2°) « Et quiconque ne porte pas sa croix, et ne me suit pas, ne peut être mon disciple »

Comment trouver le juste équilibre entre la grâce, la bénédiction, la joie d’être disciple du Christ, enfant du Dieu tout puissant et la croix de nos épreuves ? Comment concilier ce qui paraît opposé ? En acceptant avec humilité que nous vivons encore dans un monde abimé par le mal et le péché. Tout chrétien que nous sommes, nous vivons dans un corps abimé par le péché. Nous vivons dans un environnement hostile à l’évangile, hostile à Jésus Christ. Lorsque nous pensons à la croix de nos épreuves, n’oublions jamais nos frères et sœurs qui ont été persécutés et à ceux qui le sont encore. Lorsque nous pensons à la croix de nos épreuves, n’oublions pas les promesses de Dieu, la promesse de sa présence. Es. 43. 1 et 2 : « Ne crains rien je t’ai racheté, tu es à moi, si tu passes à travers les eaux, je serai avec toi…, si tu marches au milieu du feu, tu ne seras pas brûlé, car moi, le Seigneur, je suis ton Dieu… ». Mes brebis m’appartiennent, nul ne peut les ravir de ma main… ». La croix fait partie du programme, sa présence aussi. Ceci dit, Jésus nous invite à réfléchir, à connaître la « hauteur de la tour » avant de la construire ; à être conscient de ses forces, de ses faiblesses, de ses limites et des besoins que nous avons tous pour rester fidèle à notre engagement de disciple : besoin de l’aide et du soutien de Dieu, mais aussi de l’église, de mes frères et sœurs. Rien ne peut remplacer l’église du Christ, la communion fraternelle pour avancer et rester fidèle. L’église virtuelle, c’est bien, on y mange bien et de bonnes choses. On peut même choisir soi-même son menu, et construire une vie spirituelle virtuelle. N’oublions pas aussi, que toute brebis isolée peut devenir une proie facile pour le malin. Le comprendre c’est faire preuve de sagesse. Etre disciple du Christ, c’est accepter la croix de nos épreuves, dans la présence du Seigneur et avec le soutien de ses frères et sœurs, de l’église.  C’est le sens que l’on peut comprendre des deux exemples que Jésus cite : bâtir une tour sans réfléchir, s’engager dans des combats sans être conscient de ses limites.

3°) « Le sel est une bonne chose… »

Le disciple du Christ a une mission sur cette terre. Être du sel et du bon. On le sait, le sel donne du goût, conserve, fait fondre la glace… c’est une bonne chose, dit Jésus. A condition qu’il garde sa saveur. C’est bien de vouloir être disciple du Christ, c’est bien de suivre Jésus, de s’engager avec lui, de le servir, de consacrer sa vie… A condition de garder sa saveur, de répandre la bonne odeur du Christ, l’amour du Christ. Mettons Christ à la première place dans nos vies, nos pensées, nos activités, nos agendas, afin que nous soyons toujours plus remplis de son amour. C’est dans la mesure où nous nous décentrons de nous même, de notre égo, de nos besoins, de nos aspirations, de nos désirs… et que le Christ prenne la première place que nous pouvons aimer vraiment et être ce sel qui donne de la saveur là où il est.Il est des disciples du Christ qui peuvent perdre leur saveur, à force de ne penser qu’à eux, à leur bien être, même spirituel, à force d’être centrés sur eux même. Cette tendance humaine est à l’opposé de ce que Jésus demande ici. « Si le sel pers sa saveur… » il ne sert plus à rien. Retrouvons notre saveur en mettant le Christ à la première place.

Conclusion : « Que celui qui a des oreilles pour entendre entende ».

Soyons de dignes disciples du Christ, vivant une radicalité heureuse, féconde, bienfaisante, utile pour Dieu, pour nos parents, nos familles, nos frères et sœurs, notre église. Pas question de les haïr, mais de les aimer vraiment, de l’amour du Christ que nous suivons. Il est des radicalités dangereuses, mais il en est d’autres porteuses de biens, de bonheur pour soi et pour ceux qui nous entourent.

Pasteur Joël Mikaélian

04/09/2022