Lecture : Gen. 18. 20 à 26 / Luc 11. 1 à 13

« Seigneur, apprends-nous à prier… »

A quoi sert-il de prier, si de toute manière Dieu est souverain et conduit toutes choses selon sa volonté ? Qui d’entre-nous n’a-t-il jamais entendu cette question ou ne se l’est jamais posée ?  Hormis la louange et l’adoration, serait-il utile de prier, d’intercéder, de demander, puisque in fine, Dieu fait toujours ce qu’il veut… ? Avouons-le, la juxtaposition de la prière avec la souveraineté de Dieu renferme une part de mystère qui nous échappe. Sans parler de toutes nos expériences éprouvantes et parfois décevantes dans le domaine de la prière ! Que de réponses qui se font attendre, ou de réponses différentes à nos attentes ! Que de silences incompréhensibles parfois ! Pourtant, de la Genèse à l’Apocalypse, la Bible nous encourage à prier. Comment se positionner, résoudre l’équation, comprendre le sens, l’utilité de la prière dans le cadre de la volonté souveraine de Dieu ? « Seigneur, apprends-nous à prier… »

1°) « Quand vous priez, dites… »

C’est par ces paroles que Jésus introduit la prière du « Notre Père », dans l’évangile de Luc. Ce qui surprend tout d’abord, c’est que cette version est plus courte et quelque peu différente de celle que nous trouvons dans l’évangile de Matthieu. Sans entrer dans les débats de spécialistes, disons que le contexte aussi est différent ; de même que l’accent que Jésus met dans les deux textes. Ce qui peut expliquer en partie ces différences. En Matthieu, cette prière fait partie du « sermon sur la montagne », de ce concentré de l’enseignement de Jésus. Et dans le prolongement de la prière, Jésus met l’accent sur le pardon. Sur cette nécessité de pardonner à ceux qui nous font du tort. Il ira même jusqu’à conditionner le pardon de Dieu au nôtre ! Comme pour marquer l’importance de cet acte. Chez Luc, la prière du « Notre Père » vient en réponse à une demande des disciples. Demande qui trouve sa source dans l’exemple de vie de prière de Jésus. Ils voient souvent Jésus prier, Jésus passe même des nuits en prière. De plus, ils font référence aux disciples de Jean Baptiste. Ils veulent que Jésus leur apprenne à prier comme Jean Baptiste l’a fait pour ses disciples. Mais Jésus ne relève pas cette référence. Et dans le prolongement de la prière, Jésus raconte la parabole dite de « l’ami qui se laisse fléchir ». Puis il met l’accent sur l’intercession, la demande persévérante. Il encourage ses disciples à demander, à chercher, à frapper… ; encouragements qu’il accompagne de belles promesses de réponses avec l’image du père qui donne de bonnes choses à ses enfants.

Certes, la version de Luc est plus courte. Mais elle mentionne l’essentiel à savoir : le désir que Dieu soit connu, que son règne vienne ; la demande du pain et du pardon et celle de l’aide face aux tentations. Et les paraboles qui suivent complètent que la prière s’inscrit bien dans le cadre de la volonté de Dieu. Et souligne que cette volonté est bonne.

Quoi qu’il en soit, cette prière reste un bel exemple de prière. Elle a traversé les siècles, des nations, des langues. Elle reste aujourd’hui encore une prière d’unité, prière qui unit les chrétiens du monde entier quelle que soit leur appartenance ecclésiale. A ce titre elle mérite toute notre attention. Cette prière comporte l’essentiel de ce que devrait être toute prière. A savoir, le souhait que Dieu soit connu du plus grand nombre, que son règne vienne, que sa volonté se fasse, qu’il nous donne selon nos besoins, qu’il pardonne nos péchés, tout en nous engageant à pardonner, qu’il nous aide à résister à toutes les tentations mauvaises. De plus, cet enseignement de Jésus nous montre que les prières préparées, liturgique, ont toutes leur place dans la spiritualité chrétienne. Elles sont tout aussi « spirituelles » que les prières spontanées chères aux évangéliques. Il est étonnant que Jésus n’ai pas dit ici : « Quand vous priez, dites ce que vous avez sur le cœur ! ». Bien que ce soit ce qu’il suggère dans le sermon sur la montagne en Matthieu. Ce qui veut dire que chaque prière a sa place, et il ne nous appartient pas de juger. L’essentiel est de les dire avec sincérité, réfléchissant aux paroles que l’on dit.

2°) « Vas-tu vraiment supprimer le juste avec le coupable ? »

Comment lier intercession et souveraineté de Dieu ? La prière d’Abraham face au jugement de Dieu sur les villes de Sodome et Gomorrhe est exemplaire dans ce domaine. C’est une prière désintéressée, persévérante, « jusqu’au-boutiste » dirons-nous. Elle fait appel à la justice de Dieu, à sa miséricorde, à sa capacité de se laisser toucher, infléchir par une argumentation humainement logique. Abraham ne reste pas inactif face à ce que Dieu lui révèle. Il ne se dit pas qu’il n’y a rien à faire puisque Dieu l’a décidé, c’est sa volonté ! Il argumente sa prière en fonction de ce qu’il connaît de Dieu. Il fait preuve de compassion envers les habitants de ces villes. Et l’histoire nous montre que Dieu a été sensible à sa prière. Il n’a pas fait périr le juste avec l’injuste, puisqu’il a épargné Loth et ses deux filles. (2 Pier. 2. 7 et ss). On peut noter que c’est la deuxième fois qu’Abraham sauve la vie de son neveu Loth, malgré leurs différents du passé. On peut noter aussi l’immensité de la grâce de Dieu prêt à pardonner à une multitude pour la présence de 10 justes seulement !

Dans sa souveraineté, Dieu se laisse toucher par nos prières comme par notre adoration. Il n’est pas un Dieu insensible. Il peut changer ses plans sans que cela porte atteinte à sa souveraineté. Il exerce sa souveraineté avec amour, miséricorde, compassion, pardon.  Certes, Dieu ne se laisse pas « domestiquer », au sens où on pourrait le contraindre. Mais il se laisse toucher comme un père se laisse toucher par la situation de ses enfants, leurs besoins, leurs difficultés…

Cette histoire est un bel encouragement à la prière d’intercession. Un encouragement à une prière argumentée avec humilité, avec supplication ; une prière persévérante, dans une relation d’amour avec le Père. La prière d’intercession est une prière de foi, qui n’exige pas mais qui demande, supplie, et attend avec confiance. Abraham ne se dit pas que Dieu est souverain et qu’il est inutile d’intercéder pour le faire changer d’envie. Il sait que Dieu est un Dieu de grâce, de pardon, d’amour, tout en étant juste et souverain. Alors il prie, il dialogue avec Dieu, ce qui lui permet également de mieux le connaître. Dans la prière, Dieu se fait davantage connaître à nous aussi. Il se révèle toujours comme un père aimant pour ses enfants.

3°) « Demandez, on vous donnera… »

Par la parabole de « l’ami qui se laisse fléchir », le Seigneur nous encourage aussi à la prière d’intercession, à demander, chercher, frapper à sa porte, jusqu’à ce qu’il ouvre. C’est là notre part au-delà du mystère de la prière. C’est un acte de foi, de confiance que notre Père céleste nous donnera ce qui est bon pour nous. Il répondra selon son amour et sa bonté. Il se laissera toucher par notre prière. Il sera capable de changer les situations et même ses plans, dans sa souveraineté. Dieu a le droit de changer même ce qu’il a décidé d’avance. Il est souverain, il a le droit d’exercer sa souveraineté comme il veut. Il a le droit de changer et de se laisser toucher par la prière de ses enfants. Nous ne pouvons que nous incliner et nous émerveiller devant tant de grâce envers ses enfants. En Luc 18. 6, le Seigneur déclare dans la suite de la parabole dite du « juge inique » : « Et Dieu ne ferait-il pas justice à ses élus qui crient à lui nuit et jour… ?». Oui Dieu fera toujours justice, il sera toujours sensible à nos prières. Il accordera l’Esprit Saint à ceux qui le lui demande. Par la prière, il nous invite à entrer en dialogue avec lui afin que nous apprenions aussi à mieux le connaître.

 « Seigneur, apprends-nous à prier… »

Que Dieu renouvelle en nous chaque jour le désir de prier, d’intercéder pour nous-même comme pour tous ceux qui nous entourent, comme pour ce monde qui se perd. Apprenons à prier. Persévérons dans la prière ! Qu’elle soit liturgique ou spontanée, pauvre ou riche de mots, qu’elle soit simplement sincère, humble, remplie de foi et de confiance en son amour de Père. Un Père qui donnera toujours de bonnes choses à ses enfants, et l’Esprit Saint, sa présence en nous. Ne nous décourageons pas, ayons une idée juste de la souveraineté de Dieu. Prions selon l’enseignement de Jésus : « Notre Père… », et restons confiants et persévérants.

Pasteur Joël Mikaélian 28/07/19